L’ALLIANCE DU BATIMENT (ADB) est le regroupement des acteurs du bâtiment qui veulent promouvoir un BIM facile, simple d’utilisation et financièrement accessible. Son objectif est de faire bénéficier l’ensemble de la filière constructive de ses bénéfices en terme de qualité et de productivité, et favoriser la transition numérique et écologique du bâtiment que le BIM permet de mettre en oeuvre.
Afin d’établir un état d’avancement du progrès de cette démarche initiée il y a plus de 20 ans, nous avons interrogé Eric Donneti, président de la CAPEB de l’Ain et membre de la CAPEB Auvergne Rhone-Alpes et JD et Forterre technicien au support technique de la CAPEB Régionale.
ADB : JD FORTERRE, vous êtes au contact de la demande de support technique pour les artisans, quelle est la demande d’information sur ce thème ?
JDF : Le service support technique répond aux demandes de plus de 15 000 entreprises sur 22 départements. Il a répondu à plus 20 000 demandes en 5 ans dont 1 400 questions au cours du premier trimestre 2021.
La demande sur la question du BIM est totalement inexistante.
ADB : Nous avions bien le sentiment que le BIM n’était pas bien diffusé auprès des artisans, mais nous sommes surpris par la distance entre la réalité et le discours au niveau national qui affiche des cas d’usage à 45 % . Le service technique ne serait-il pas identifié comme la bonne adresse pour cette question ?
JDF : Si, le support technique est bien identifié pour ce type de question. C’est même l’adresse utilisée pour les questions complexes et même celles qui ne sont pas de son ressort. Soit le BIM n’est pas un problème, soit il n’est pas utilisé. Il faut voir que la rénovation est le principal marché de l’artisanat et que le BIM y est peut-être plus difficile à mettre en œuvre pour des raisons techniques et économiques.
ADB : Avez vous fait de la formation sur ce thème ?
JDF: Nous avons fait un stage de sensibilisation auprès de 15 artisans. Un seul était motivé et avait commencé à pratiquer. Les autres ne se sont pas investis par la suite. Sans doute du fait de manque de faisabilité et d’employabilité à cours terme du BIM.
ADB : les artisans sont-il en retard sur l’usage du numérique ?
JDF :Pas du tout. Ils utilisent les tablettes, les mails, leurs logiciels métier, ils prennent des mesures au laser et transfèrent les données sur des clouds. Il faut seulement que ce soit simple, opérationnel et financièrement accessible.
Dans le fond, sur les principes, le BIM n’est pas une révolution. C’est une système de stockage et de mise en commun de l’information. Mais la mise en œuvre semble encore trop complexe.
ADB : Eric DONETTI, Quel intérêt du BIM aujourd’hui ?
ED : L’intérêt du BIM dans un premier temps pour les artisans, et en particulier en rénovation, c’est d’abord la possibilité d’avoir une carte d’identité du bâtiment avec le descriptif de tout ce qui a été fait pour pouvoir intervenir efficacement.
ADB : comment est-ce que cela se passe concrètement ?
ED : Pour l’instant, on est pas assez impliqué dans le processus. Ce qui est dommage c’est que la maquette IFC est construite avec plein de modalités différentes et des éléments assez hétérogènes dans des formats de fichiers propriétaires. Cela demande des traitements informatiques qui mettent le BIM hors de portée des petites structures qui représentent 90 % des entreprises du bâtiments. La question est d’éviter des données de description des composants du bâtiment qui s’additionnent sans être harmonisées.
ADB : Le BIM est-il perçu comme un outils de collaboration ?
ED : Non pas vraiment. Pour cela, le BIM doit être facile à utiliser pour que chaque intervenant puisse renseigner la maquette simplement. Il faut constater qu’aujourd’hui, la collaboration n’est pas mise en œuvre comme elle pourrait l’être.
ADB : La productivité que permet le BIM ne semble pas être suffisante pour motiver son utilisation par les artisans. Qu’elle en est la raison ?
ED : Pour l’instant le gain de temps n’est pas au rendez-vous. Le retour d’investissement n’est pas là. Le maître d’ouvrage en général n’exige pas une interopérabilité qui permettre de travailler facilement avec le BIM et de gagner du temps. Il n’a pas conscience de cette nécessité.
ADB : Les artisans prennent-il conscience des enjeux du BIM pour leur avenir ?
ED : Une grande partie reste très en retrait. Il n’y a rien de très probant. On ne voit pas beaucoup de marché en BIM. Cet attentisme ne permet pas cette prise de conscience.
ADB : On est donc encore très loin de la massification voulue par le plan BIM 2022 du gouvernement ?
ED : Pour moi c’est zéro dans le marché en rénovation et minime en neuf. Les clients ont compris l’intérêt que cela peux apporter, mais sur leur projet à court terme, cela passe après, même pour ceux qui ont déjà un pied dans le BIM.
ADB : Le BIM peut-il mettre les entreprises en difficulté ?
ED : Oui. C’est la raison pour laquelle, nos organisations professionnelles doivent être en veille et capable de sensibiliser et de former.
Pour un artisan, être à l’écart du BIM peut conduire à être exclu des appels d’offres. D’autre part, il peut être en difficulté pour participer au process de construction, et d’être empêché d’apporter sa valeur ajoutée à un projet.
Pour les artisans fabricant, l’enjeux est également de pouvoir renseigner la maquette IFC, qui sera le support obligé de définition des composants d’un bâti, avec les objets numériques qui défissent ses produits.
C’est pour cela que le « BIM pour tous » doit être soutenu et largement diffusé . Et en cela, le projet de l’Alliance du Bâtiment pour un langage ouverte et le concept de BIM CIQO, réponds tout à fait à cet objectif.
ADB : Quel enjeux pour la formation ?
ED : Il n’y a pas de cas concrets ou de chantiers en rénovation qui ont été traités en BIM. Le BIM aujourd’hui, c’est beaucoup d’images 3D pour communiquer, mais c’est pas cela dont on a vraiment besoin. Ce dont on a besoin, c’est de bases de données qui permmettent la conception et la construction fiable et par la suite la maintenance sur e long terme.
ADB : Et les clients
Les artisans pourront expliquer au client que c’est un investissement qui a un retour dans le quotidien de l’exploitation qui au final représente plus de 70 % ducoût d’un ouvrage. Mais pour l’instant, cet argument ne passe pas. Ce n’est pas assez mature.
Mais à l’avenir, ce bénéfice pourra être mis en avant par les artisans.
ADB : En conclusion, comment réussir le BIM ?
Le BIM ne doit pas être une vision élitiste et hyper technologique mais pragmatique et pratiquée par la base car ce sont les artisans qui peuvent apporter leur savoir faire à leur client.
Il faut un état des lieux ou un projet sous le format ouvert du BIM IFC enrichit ensuite avec les composants métiers avec un format ouvert, lisible par tous et facile d’accès, avec à la fin, un DOE immédiatement utilisable pour l’exploitation.